Il est pour le sexe avant l’amour, raison pour laquelle il veut rêver, grandir et coincer des malheureuses. Ensuite, par pur esprit de contradiction, parce qu’il est comme ça, il a aimé, mûri et trahi avec la coiffeuse. Moi.

Oui, M’sieur Dame.

Après avoir donné de son corps, et pas qu’à moi, merci, le voilà qui donne de la voix : ça n’arrive qu’aux vivants, me direz-vous. Mais le temps passe pendant que moi je repasse. Oui, Monsieur.

Alors il ne perd pas des cheveux qu’il rase consciencieusement, mais quand même ça va plus vite, il peut pas continuer à se la raconter comme avant. Il réalise qu’il est vieux, pas beaucoup, mais déjà. Sa hantise, son mantra, ses dernières volontés ? Rater, mollir et narguer la faucheuse.

Alors, à moi de causer maintenant, avec la copine. Sur sa revue, là, son truc de vieux mais pas trop. Et on va causer organes, mais attention, pas les organes du pouvoir, c’est pas son truc.

Mais un peu quand même, hein … pour rire.

Faut venir au Théâtre de Valère, oui. Et voilà pourquoi.

Fallait un cerveau valaisan pour asticoter  les Valaisans ? Fallait la version mâle pour écrire  « Ma revue à nous » ?

D’abord, permettez–moi de réagir à votre texte d’introduction, auquel je n’ai pas compris grand-chose ; ensuite, plus particulièrement à votre question, à laquelle je n’ai rien compris du tout. Alors et donc, si vous voulez bien, je vais vous donner une réponse qui n’a peut être, ma foi, rien à voir.

Etre Valaisan, ça peut aider, peut-être, à une chose : comprendre les Valaisans. C’est certainement pas suffisant, tellement il y a de boulot, mais ça permet, du moins le crois-je, de trouver un équilibre entre sévérité pour ses semblables et indulgence pour les siens .

Don Camillo a son Peppone, et Don Recroze bientôt son rouge pompette qui monte à la tête ?

Voilà une question bien augurale. Et qui me permet d’utiliser dans ma réponse le mot « augurale » – que personne ne comprend – comme ça vous voyez ce que ça fait !

Mais si vous faites allusion à mon saucisson (et c’est une drôle de phrase), disons que je n’ai aucune intention de prolonger l’aventure en faisant du vin. Jamais. Déjà que le saucisson m’a rendu gros, ça m’embêterait, en plus, de finir alcoolique.

T’as un œil de lynx plaqué sur le diffuseur de clichés ?

Je me méfie autant des clichés que des personnes qui se méfient des clichés. S’il y a quelque chose de très superficiel à n’utiliser qu’eux pour penser, est-ce vraiment mieux d’éviter de penser en criant à tout va  « on ne peut pas dire ça ! c’est un cliché ! ». En fait, ça aussi, c’est très superficiel.

T’as trouvé quelque chose à dire, sur les Valaisans, qui se voit comme le nez au milieu de la figure ?

Ce qu’il y a de certain, c’est que nous ne sommes ni meilleurs ni pires que les autres. Sauf que les autres, c’est pas des valescos.

Tu penses qu’on pourrait presque dire, mais juste un peu, et pas seulement, que l’utilisation des clichés est la langue de bois des humoristes ?

Les clichés… On y revient. Vaste sujet. Prenons un exemple : les routiers manquent de manières. Est-ce qu’il est vrai de dire que tous les routiers manquent de manières ?  Certainement pas. Il doit exister des routiers qui ne manquent pas de manières. Cependant, il y a des routiers qui manquent de manières en nombre suffisant pour pouvoir dire que les routiers manquent de manière sans que ce soit complètement faux. Donc voilà : un cliché, c’est rarement complètement vrai, rarement complètement faux. Mais ce qui est sûr, c’est que c’est un raccourci qui fait l’économie de la complexité du monde. En cela, le cliché est vulgaire. Comme l’insulte. Et l’humour doit se continuellement se positionner par rapport à cette tension. Où veut-il être ? Chacun décide pour soi. Et comme tout ça fait plein de phrases sérieuses, je voudrais boucler cette question, si vous voulez bien, en disant nichon.

Y a des personnes qui vont prendre leurs jambes à leur cou ? En particulier, donc, que des particuliers, surtout.

Ce serait dommage. Pour moi, l’humour, c’est quelque chose à partager. Et c’est plus jouissif de rire ensemble que séparés. Il n’y a pas les méchants d’un côté et les gentils de l’autre. En fin de compte (superbe formule, ça), on est tous « moquables ». C’est peut-être pour ça que je préconise de rire de soi autant que de nous. De nos petites conditions dans lesquelles personne ne fait le malin. Rire des autres, ça finit toujours en rire moral, et j’aime moins, c’est tout enfermé. Et il y a dans la conviction définitive quelque chose de bête. Michel Maffesoli dit un truc joli : « plutôt que de donner une pensée, vaut mieux donner à penser » – je trouve ça plus humble, en tout cas.

Tu touches toujours tes cordes vocales ou encore la corde sensible ?

Je comprends votre nécessité de faire des jeux de mots à chaque question, comprenez la mienne de redire nichon.

Y a un thème particulier, toujours,  sur lequel t’es tombé à bras raccourcis ?

Le ridicule, immense, de nos conditions, toutes petites. On est peu de chose, et à ça, personne n’échappe, ni le voisin ni Poutine. Et cette manière qu’a l’homme de se croire pourtant significatif est fascinante, voire même assez touchante. Par moments, l’homme peut carrément faire pitié, tout excité qu’il est quand il croit qu’il va vaincre. Quel orgueil. Il ne l’apprendra jamais : il ne peut gagner que des batailles minuscules, et mourra seul, dévasté par ses propres gesticulations. C’est ce qui est charmant, d’ailleurs. Cioran, détestateur inspiré de l’existence, sur son lit de mort, a dit : « au final, je me serais bien trémoussé ». C’est parfait. Trémoussons-nous, il y a que ça à faire. Et si Poutine veut nous en empêcher, alors et seulement alors, abattons Poutine.

Le truc invicible pour prendre en main le public ? Un doigté particulier ?

Il n’y aucun truc. Mais je crois à un certain engagement. Pas au sens idéologique, mais au sens plus physique du terme (le cerveau, c’est du corps). Il ne faut pas être radin de soi. La désinvolture, ça marche que dans les films : tu peux pas vraiment fumer en faisant de la moto.

Un cerveau, deux ventricules : le Haut et le Bas Valais ? Ils se battent ensemble ou ils se con-battent ?

Ils se battent ensemble. Mais enfin. C’est quoi cette façon se faire des camps ? C’est juste des mêmes que nous qui ne parlent pas français.

En Valais, faut passer en revue le foie ou la foi ? est-ce Dieu con-patible ?

Trop de jeux de mots tue le jeu de mot ! Mais j’ai peut-être quelque chose à répondre : dans ma revue, je traite un peu des deux. Imaginer un Dieu au dessus de nos têtes et de nos soucis pourrait bien être lié au fait de boire autant – simplement parce que secrètement, en fait, on devine l’horreur : le ciel est vide.

Boire, manger … baiser la faucheuse, quoi ? et si ça lui pèse sur l’estomac ?

Tout ce qui est bon est mauvais. Sinon, ce serait trop facile. Voilà bien ce qui est salaud dans la vie. On a envie de plus de tout, mais quand on l’a en bouche, vient alors l’écoeurement. On est pas mieux que des chiens.

De quoi les Valaisannes ont-elles plus plein le dos ? Et parle peu, mais parle vrai : des UDC qui veulent des mères en cuisine mais des femmes qui travaillent alors on n’y comprend plus rien ou encore trop, ou des PDC qui disent pas ce qu’ils font et font pas ce qu’ils disent et terminent à con-fesse, et on n’y comprend toujours rien, ou toujours trop ?

Ils n’en ont pas du tout assez de ça. Sinon, ils voteraient autrement.

T’as pris ton pied pendant l’écriture de ce spectacle ? pas de pannes à Station Horizon ?

Ça fait quelque temps que je me dis que le Valais est un sujet. En soi. Et tenir un sujet, c’est le seul moyen de commencer à écrire. Alors merci 2016 de nous avoir apporté tant de valaisanneries.  Et s’il vous plaît, Messieurs et Mesdames les puissants, continuez comme ça dans l’amateurisme, je veux faire une revue en 2017.

Elles ont des rabais, les coiffeuses, si elles viennent te voir et t’écouter pour mieux te toucher et peut-être te sentir ?

La blague est dans la question. Alors la réponse n’a pas beaucoup d’intérêt.

C’est la fin … mais t’as faim de quoi ?

Un gros steak ? Voilà le plus noble des objectifs, en général.

[i] Séverine Favre N’Guyen, Béatrice Riand