Marrakech grouille, Marrakech crie.

Quand le ciel vous assomme, et que la vie vous maudit, il vous faut vous réfugier dans les entrailles de Marrakech.

Ma, ma, ma .. mara, Marrakech.

Une mère qui vous nourrit, vous abreuve, vous apaise. Les fruits y ont une âme, les légumes une pensée, bienheureux bienfaiteurs d’un corps ailleurs malmené.

Marrakech  la fertile.

Des ruelles étroites, des portes basses d’où jaillissent des cohortes d’enfants rieurs, et qui vous apostrophent … les gens de là-bas y trouvent leur richesse, et nous, nous qui parfois pleurons un fardeau.

Une silhouette infinie, qui se déroule, se faufile, se tortille, se retourne, va et puis s’en va.

Et les costumes, les cris, les chants, les sourires à l’enfant timide, les baisers à la zingara … toujours cette gentillesse pour l’innocence, cette tendresse dans le regard.

On y plonge, dans les entrailles de Marrakech … on les triture, on les soupèse, on recule puis on y plonge.  On  mord à pleines dents dans ce fruit juteux, dans cette chair accueillante, l’âme plus légère, baignée par la chaleur d’un contact oublié.

Sur le chemin, une place avec des gamins dépenaillés qui jouent à la balle … une sauterelle valaisanne s’engouffre dans la partie, et la joie explose, la joie se dit, se vit. La joie est là, toujours.

Il y a une langue, là-bas … une langue morte ici.

Ils viennent et vous appellent, vous dites oui, vous dites non, mais souriez, respectez, et alors, le oui ou le nom s’annulent, et commence le dialogue, l’échange.

La parole est d’or en ce pays.

Marrakech et son hospitalité … un couscous aux sept légumes préparé par une mère attentive. Dix-neuf cuillères  et dix-neuf personnes pour six mètres carrés d’espace et de partage intenses. La dignité dans laquelle ils vivent leur foi, leurs difficultés à respecter des règles strictes, leur amour pour Oumnia, seule fille dans une fratrie de garçons.

La lumière d’Oumnia, dix ans … sa douceur. Et son frère, Marouan, 17 ans, véritable  Gavroche de la médina. Le bagout d’un vendeur expérimenté, la débrouillardise érigée en art. Un discours qu’il sait réciter dans plusieurs langues, et le voilà qui nous emmène chez les teinturiers, nous dit-il. Il y a une fête … pas de fête, une simple cuve, un ami qui secoue la tête en le voyant arriver, suivi d’une cohorte de touristes enchantés. Mais quelle plongée dans ce monde des artisans … un thé, des soies que l’on admire, et puis l’échappée sur les toits, les explications d’un ingénieur qui se revisite en marchand de tapis.

Les souks, encore les souks, toujours les souks.

La sève et le sang.

Irrésistible.

La poésie berbère ne s’invente pas … c’est le Paradis perdu.

Et qu’importent les musées, là-bas … la nostalgie européenne s’y alimente d’un suc  autrement plus essentiel, qu’elle avait oublié, négligé. Parfois tué.