(Sous la plume de l’écrivain Samuel Brussels)
Béatrice Riand est une auteure valaisanne et barcelonaise, qui brûle du feu du trilinguisme: français, espagnol et catalan. C’est ce qui explique peut-être ce caractère et cette écriture bouillonnants, déjà à l’œuvre dans son premier livre J’aurais préféré Baudelaire heureux. Dans ce récit romanesque, elle relatait l’expérience douloureuse d’avoir été harcelée, des années durant, par le supérieur hiérarchique de l’établissement où elle enseignait, au point d’être entraînée dans une procédure judiciaire où le principe de «neutralité» de la justice produira toute l’iniquité qu’il tient en réserve.
Chez cette auteure, l’écriture est motivée par une rage intérieure, qui s’exprime dans un style parlé, direct, enlevé dont on percevait les prémices dans J’aurais préféré Baudelaire heureux et que l’on retrouve dans Si vite que courent les crocodiles. On perçoit clairement dans les histoires qu’elle raconte un désir de justice, porté par une écriture poignante, qui est la lame de fond de ses romans.
La magie du verbe
Ici, la voix de la narratrice fait entendre les mots qui résonnent dans la tête d’une enfant différente des autres, qui vit dans un paysage plus que dans un pays, qui parle à la nature plus qu’aux hommes, une enfant qui se cherche une famille et s’invente une langue à elle pour dire son mal, sa solitude, son incompréhension d’être au monde. Pénitente de sa vie, elle se redresse peu à peu grâce à la rencontre d’un adulte, nommé «l’avocat», qui lui demande de lui écrire tous les jours. Cette présence et cette correspondance amicales la guident vers la voie de la création et la pacifient avec le monde. Ce conte cruel et tendre dit l’histoire d’un exil intérieur, mais aussi la délivrance par la magie du verbe et de l’amour.
Roman. Béatrice Riand, Si vite que courent les crocodiles. BSN Press, 80 pages.