Liminaire : La rubrique « La langue » est de nature littéraire à L’1Dex Mag. 2017 ne fait pas exception à la règle. Sur un mode partiellement différent qui fut celui de l’année 2016. Avec notamment une interview détonante de Valérie Trierweiler par Béatrice Riand. Le numéro 2 est à commander par un simple clic ici.
Si… silence.
Lance.
On coupe.
Et voile et viole le tympan.
Le babil qui s’installe malgré soi, l’extérieur qui devient roi.
Je pas, pars … parle enfin une langue métisse, et je l’oublie, lui … si … silence, parce qu’ici-bas il ne règne pas. Et je l’entends, un peu, si peu quand trop jeune les autres ne vous importent guère.
Mais la vie s’invite, la vie s’impose.
Et s’en va le silence heureux.
Qui m’emmène là où l’on ne sait rien. Au pays des lèvres fines qui se serrent … et le silence qui s’élance. Les sons meurent, leçon amère … la pluie qui les emporte se délave dans un tourbillon sans faim.
Et puis, les horloges sonnent … s’enrichissent toutes tes gammes.
La vie s’impose, s’en va le silence heureux.
S’en vient la comédie.
Lourdeur des paroles tues, tue … silence bavard, baveux … paroles qui taisent, silence qui parle.
«Et mourir de faim n’est rien à la condition que tout le monde pense que c’est d’indigestion que vous trépassez», Salvador vous endort.
Sons et sens qui s’enchevêtrent, sans jamais songer à parfois te convier.
Et je te cherche, cher, cherche en vain dans la bêtise infinie du vil bonimenteur, dans les cris aigus de la sotte qui ne sait pas, n’apprend pas et ne comprend rien. Dans la ritournelle du fat ou face au champ si vaste qu’entretient consciencieusement quelque crétin satisfait. Dans l’éternel miroir des Narcisses. Dans l’amertume du jaloux et l’obséquiosité du servile. Dans le sel que certains sèment par devant vous, dans les rires faux et les vains sourires que d’autres esquissent à grands coups de crayons moqueurs.
Dans la musique, et ses notes suspendues.
Dans le fracas de la mer qui me berce comme dans le désert de tes cimetières.
Et s’en va le silence heureux, s’impose la comédie.
Se rêve «un impossible rêve», une improbable quête.
Brel le tente, qui s’y brûle … «peu m’importent mes chances, peu m’importe le temps».
Je te lis, silence … je te cherche. C’est la fin, c’est l’Adieu à beaucoup de personnages, et Ramuz qui s’en va vers un ailleurs toujours vierge, «Vous tous, je vous quitte, et vous me quittez …».
Je lis encore, encore … et te retrouve, si … silence, dans ces points de suspension qui interpellent, ces litotes de vieil économe. Dans tout ce qui perturbe la phrase et ses mots-fanfreluches, ces rubans de femme mal fagotée car trop couverte, recouverte, enterrée qu’elle est sous les artifices inutiles, et Marylin qui le sait, qui dormait nue. Marylin qui s’en va.
S’impose la comédie, se rêve «un impossible rêve».
S’ouvre peut-être une porte.
La Porte étroite.
Et derrière … celle qui attend.
Celle qui me parle … celle qui m’en parle.
Celle qui a bâti ta cathédrale.
Celle qui pleure sans le faire sur une famille qui n’en est pas une, mais «le lieu au seuil de quoi le silence commence».
Qui écrit «autour de ces choses sans aller jusqu’à elles», qui avoue qu’ «il y a de vastes endroits où l’on fait croire qu’il y avait quelqu’un, ce n’est pas vrai, il n’y avait personne».
Celle dont le visage face à ce toi s’est effondré … Duras.
Et je suis Beckett, qui avoue à Cioran ne plus pouvoir «rien tirer des mots». Je deviens Ionesco, «chaque fois que l’on sonne, c’est qu’il n’y a personne».
Condamner alors cette porte.
Oublier la mare de sel.
Et s’entrevoit ainsi le seul chemin.
La fin du labyrinthe.
Je te cherche, cher …
Silence premier.
Silence totem.
J’entends tes murmures, j’effleure tes secrets.
«Les bruits s’endorment», pense Dali qui ne sauve rien si ce n’est sa peur féroce que les mots, les faux, ne s’introduisent en lui, ne l’épuisent … et ne le détruisent. Lui ou sa feinte folie, qu’importe.
C’est «Le carré blanc sur fond blanc», dans lequel tout se perd … c’est la voix de Malévich, qui tonne, «Voguez à ma suite, camarades aviateurs, dans l’abîme (…). Voguez! L’abîme libre blanc, l’infini sont devant vous».
Les «Nymphéas» en testament … Monet presque aveugle, Monet qui te sait. Monet qui te loue pendant plus de trente ans. Monet qui te voit.
Et ma grand-mère chante, elle dont la parole a été ravie … douce Marie, qui sourit face à la tramontane qui emporte sa vie.
Si.
Silence.
Lance.
Coupez