A la National Gallery, les murs sont verts ou grenats, et ainsi explosent les couleurs flamandes et perlées, impressionnistes ou expressionnistes.

Qu’importe.

Rouges les cabines téléphoniques, et aux couleurs de l’Union Jack les taxis.

Les bâtiments anciens, gris, s’adossent à des structures contemporaines colorées, vert pomme, bleues, orange.

Multicolores les longs corridors qui mènent à nos chambres, rose le teint des Anglaises, et arc-en-ciel les devantures des boutiques, qui chantent sans fausse note une symphonie à la chromatique pourtant aléatoire.

Jaune et bleu ciel pour Fortnum and Mason, où il faut aller, il faut goûter, il faut s’y précipiter. Et admirer les vendeurs en frac à l’élégance surannée. Tenter le thé, fondre devant les scones beurrés. Choisir sa confiture parmi une gamme colorée.

Et puis vite, vite … trois quarts d’heure, et pas une minute de plus, pour admirer les œuvres de David Hockney. Coloriste déjanté et décomplexé, qui redessine la nature avec une palette inversée. Il y a du jaune, du mauve, du bleu, là où le simple pékin ne discerne que du vert, du brun et quelques ors. Et l’on entre en communion avec ces forêts, ces espaces, ces lieux réinventés. Et cela marche, on ne sait trop pourquoi, on y est. On y entre, et on voudrait y rester.

A Londres, même le verbe est coloré.

Sur le chemin du retour, une vagabonde à la peau ambrée chasse un importun, en hurlant un « Fuck you » triomphal, car il détale. Et je sursaute. Et elle me voit, me regarde. Un sourire. « Sorry ». Une pause, un regret peut-être. « The men, you know ». Je sais. « All the same ».

A Londres, même les sans abris vivent la poésie.

Il git sous un amas de couvertures, au pied d’un monument. Autour de lui, un vieux caddie, un amas de journaux froissés, un carton pour récolter de la menue monnaie. Et puis, une petite bouteille en plastic, découpée. Un peu d’eau. Et des jonquilles éclatantes, comme un pied de nez agenouillé.

Une comédie musicale sans génie, sans attraits, sans créativité. Une Legally Blond qui ennuie, mais dont les costumes, une nouvelle fois, explosent dans un geyser de teintes disparates, bizarrement ajustées entre elles, mais toujours ensoleillées.

A Londres, la couleur est une religion.

De Savile Row à Top Shop, du marché bigarré de Spittafield à Regent Street, des sœurs glycines à Kate Moss, Londres est un laboratoire de tendances. Londres devient tendance.

Des rubis encore, des diamants, des émeraudes, des saphirs … la Tour de Londres, en sus de ses corbeaux noirs, accueille des merveilles. Trois petits tours sur un tapis roulant, pour voir, revoir, et voir une dernière fois les symboles de la monarchie à travers les siècles, des cabochons bruts aux pierres délicatement serties, merveilleusement taillées. 

L’évolution.

La révolution.

Des hommes et des pierres

De la salle des tortures aux joyaux de la Couronne.

Londres est.

Londres se vit.

Londres n’a que faire du soleil.

Londres nous regarde, et l’on se voit enfin.

Si terne.

Si triste.

Il faut aller entre filles, à Londres.

Il faut acheter une robe multicolore, à Londres.

Et qu’importe que le titre n’ait aucun sens, il sonne.

Il faut se réveiller.