Ariane Doyen dévide son fil, pieusement, pour nous mener, pauvres pécheurs que nous sommes, vers la rédemption qu’elle appelle de tous ses vœux (NF du 8 mars 2012, Courrier des lecteurs, page 4).

Ciel … le ciel va nous tomber sur la tête.

Vite, vite, la doyenne sagesse, la divine réflexion sur nous étend ses filets protecteurs.

Nous nous sommes fourvoyés, nous baignons dans l’immoralité passive, dans la démagogie repue.

Horreur et damnation : le Conseil Fédéral a accepté que les couples homosexuels adoptent l’enfant de leur partenaire.

Non pas une prière, Ariane, mais un cri : « Qui songe ici au bien de l’enfant ? »

Non pas une réflexion, mais une exclusion.

Ariane sait.

Ariane montre le chemin, et nous tape sur les doigts : « Certains devraient lire les fondamentaux psychologiques. Dès lors ils ne seraient pas sans savoir qu’en principe la sexuation psychique ne peut s’opérer sans processus d’identification, c’est-à-dire sans la reconnaissance de la différence anatomique des sexes ».

Ariane nous l’explique, « cette découverte se réalise théoriquement entre 15 et 18 mois, au sein de la cellule familiale ».

CQFD : sans cellule familiale traditionnelle, une « humanité disloquée ».

Adopter gay serait donc « un caprice égoïste », et je passe sur la théorie des genres, fondateurs de la construction culturelle et sociale.

Mais je m’étonne : Ariane vit-elle sur une autre planète ?

Les homosexuels ne sont pas des extraterrestres apparus soudain sur notre terre, en vue d’une contamination ébolaise radicale.

Ils sont là depuis la nuit des temps, issus de couples hétérosexuels, et donc bien nourris au sein d’une « sexuation psychique » traditionnelle, et conforme à la divine loi que préconise Ariane Doyen.

On ne devient pas homosexuel, ce n’est pas un but de vie, un objectif moral, une issue choisie. On l’est, quel que soit le contexte économique, social ou familial.

On en a souffert, parfois jusqu’à en perdre sa vie, tel Oscar Wilde en d’autres temps.

On craint pour sa vie encore, dans certains pays.

Mais ici, mais maintenant, dans un pays qui voit la moitié de ses unions traditionnelles et bien hétérosexuelles sombrer dans le divorce … dans un pays dont la moitié des enfants se développent au sein d’une famille monoparentale, et donc impropre à la bonne « sexuation psychique » … faut-il les scruter ? les analyser ? en font-ils partie ? seront-ils ces maudits, eux aussi ?

Et puis, tous ces gens-là … ces homosexuels qu’on veut honteux et discrets … n’ont-ils pas une famille ? Une mère, un père, des tantes et des cousins ?

Pense-t-on vraiment qu’un couple homosexuel vive en vase clos, dans un désert affectif certain, avéré, définitif ? Leurs amis appartiennent-ils tous au même sexe ? Et le personnel des crêches qui recevra leurs enfants, sera-t-il unisexe ?

Ariane s’agenouille.

Ariane dissimule l’intolérance sous le masque de la science, en décontextualisant son discours … une science à qui elle fait dire ce qu’elle seule veut vous faire entendre.

Chaque être humain naît libre et égal en droit.

Un parent, quel que soit son sexe, n’a qu’un seul devoir : aimer son enfant, faire au mieux, faire de son mieux, dans l’environnement qui est le sien, avec les forces et les faiblesses qui le caractérisent.

Chère Ariane, une licenciée en psychologie générale et pédagogique ne pouvait sans réagir laisser se propager de telles absurdités.

Au nom de la science, la messe est dite.

Merci au Conseil Fédéral.

Post Scriptum : Et une anecdote en guise de credo  … Je ne cuisine pas. Ma fille, alors âgée de quatre ans, adorait aider son père, qui soudain lui demande: « Quand tu seras grande, pourras-tu me concocter un bon petit plat ? ».  Un cri : « Je ne peux pas, je suis une fille ! ».

Les rôles ne sont pas fixés dans une immuabilité aride, Dieu merci.

Elle a compris, ils le pourront aussi.